LES ROSES DE LA CLÔTURE
Peu de distractions à nôtre portée - sans être riches nous n'étions pas à plaindre - une jolie petite rue dans un quartier excentré , platane traditionnel au milieu de la placette - un coin tranquille , de jolies petites maisons toutes agrémentées d'un jardinet - un quartier paisible -
Ce jardin, j'en revois le rideau de roses-pompons qui voilait tout vis-à vis direct , mais il n'y avait que le paysan d'en face pour nous entendre jouer , rire ou disputer...nous ne l'avons jamais vu , sauf une unique fois ! la cabane qui contenait ses outils jouxtait la clôture parfumée et il avait bien d'autres choses à faire qu'à s'occuper de discuter avec qui que ce soit - un paysan c'est un taiseux par nature - seuls , les chats qui ramaoutaient sur les toitures ,dès le crépuscule venu , pouvaient se vanter de tout voir et tout entendre . A la saison des amours , ils nous offraient des concerts incroyables durant toutes les nuits , au grand dam de mauvais coucheurs qui leur promettaient la pétoire , mais ne le firent jamais - ces concerts félins m'effrayaient beaucoup , persuadée qu'il s'agissait de voleurs !! j'en parlais à ma mère qui éclata de rire et me fit remarquer que les voleurs , en principe ,ne font pas de bruit !
Jouer aux indiens à deux c'est pas terrible , nous préférions chercher un trésor ( une pierre ...tiens déjà ? ) soigneusement cachée dans des endroits bien choisis ...qui en général ne dissimulaient pas très longtemps aux yeux inquisiteurs ...Cris de joie ( comme les oiseaux j'imagine , quand on est enfant , la joie se traduit comme ça ) et l'autre prenait son tour pour aller planquer à pas furtifs , le plus loin ou près possible , tout dépend , pendant que le futur candidat à la découverte , les yeux cachés , sans tricher , comptait lentement jusqu'à dix , le front appuyé contre l'arbre au centre du jardin . Cela durait longtemps , un de nos jeux préféré et nous étions des enfants sages .
Plus d'école , plus de remontrances ou de punitions , plus de regard sévère , plus de peurs ...seulement le jeu !! L'enfant non -aimé que je fus avait cette consolation offerte par la Vie aux plus démunis , que ce soit dans le domaine matériel ou l'affectif ! Merveille de l'enfance !!
La lecture représentait aussi des moments importants dans nôtre vie .
La bibliothèque regorgeait de livres magnifiques et j'eus la permission d'accéder à quelques uns - d'autres ne me furent pas permis , soit qu'ils ne correspondaient pas à mon âge , soit qu'ils aient été trop lourds pour mes petites mains - Les livres furent importants dès ma prime jeunesse et le restent ,à telle enseigne , que j'éprouve le besoin charnel d'en avoir toujours à ma portée et qu'ici , chez moi , il y en a partout , pêle-mêle , entassés , posés négligement (du moins en apparence ) pour réjouir mes yeux - aucun meuble de luxe , aucun livre, de valeur autre , que celle du texte apprécié . Ils vieillissent en même temps que moi , quelquefois une poussière les recouvre ...des couvertures jaunissent , des lettres tendent à griser , ce n'est pas la gloire ...c'est seulement une tendresse particulière inaltérable .
Il n'y eut pas que des livres , nous fûmes abonnés à des journeaux tels que le journal de Mickey , d'autres dont j'ai oublié le nom , lecture rose pour petite fille sage ...j'étais ! j'ai bien changé !...
Ce rendez-vous hebdomadaire était l'un des plus important pour nous , voir arriver nôtre mère avec le journal convoité ... bizarrement , il n'y eut jamais de dispute entre nous ,quant à une prééminence de l'un ou l'autre pour la lecture ...Nous la partagions à tour de rôle ...nôtre richesse !