UNE VIE PASSEE...
Rue Sauveur Tobélem...à Marseille bien sûr- je cherche l'adresse,je m'engage dans une rue,je reviens sur mes pas,je ne connais pas du tout le coin et malgrès une reconnaissance la veille,une habitude,j'ai un peu de peine - ça y est j'ai trouvé - immeuble joli mais sans prétention - je monte,je tocque à la porte qui s'ouvre sur une toute petite mémée-je ne suis pas bien grande mais je la fais deux fois -je me présente-elle me fait entrer et la première chose que je remarque c'est la lumière qui illumine cet appartement-intérieur solaire,murs tapissés de tournesols,tout cela respire une jeunesse extraordinaire,rare chez des personnes âgées qui ont plutôt tendance à vivre en demi-teinte -la propreté y est éblouissante !plus tard elle m'en a confié le secret :savon de Marseille ! pour tout, absolument tout et c'est chez elle que j'ai pris l'amour du savon de marseille à tel point que je fais rire mes amis en leur disant que je l'aime tant que j'en mangerais presque..et que j'ai tancé une de mes filles qui n'en avait pas dans sa cuisine !! j'ai été avertie qu'il allait me falloir veiller sur sa manière de se nourrir,très insuffisante - problème récurrent chez les grands vielliards -ce qu'on m'a caché c'est qu'elle perdait sérieusement la tête et je n'allais pas tarder à le découvrir-atteinte du trouble de persécution,elle cachait ses sous dans sa chambre sous son matelas,oubliait de régler son loyer et sans l'honnêteté rigoureuse et compatissante de ses voisins elle se fut retrouvée bien vite à la rue-elle me faisait part des menaces qui pesaient sur elle,des reproches que lui avait fait un employeur vingt cinq ans plus tôt - elle me faisait asseoir auprès d'elle dans la cuisine,commençait à me raconter cela en mettant de l'eau " a cuire" comme on dit à marseille - j'avoue que je n'étais pas tranquille et même que j'avais un peu peur quand je la voyais prendre un grand couteau,commencer à couper un bouchon,sans raison,je mesurais mentalement la distance qu'il me faudrait mettre entre elle et moi s'il lui prenait la fantaisie de me jeter de l'eau en ebullition à la tête ou de m'écorcher...la pensée est très rapide dans ces moments de crainte -mais non,rien de tout cela- elle soupait uniquement avec une petite boîte de lait Gloria et je n'ai jamais pu obtenir quoique ce soit d'elle qui enrichisse un peu son dîner - je savais que ses voisins veillaient sur elle et ça me rassurait mais un matin,par très grand froid,je ne reçus aucune réponse à mon coup de sonnette,pour comble de malheur ses voisins étaient absents,aucun moyen de savoir-je l'imaginais dans la rue car elle sortait souvent,entre autres pour aller porter plainte ,auprès de policiers qui la connaissaient et gentiment faisaient semblant de prendre sa plainte pour la rassurer,jusqu'à la prochaine fois- mais là,étant donné l'heure matinale de son absence j'étais très inquiète,je la cherchais dans l'entour de l'immeuble...pas de petite mémée... je décidais donc d'aviser ma Directrice ,pas question de repartir sans avoir un conseil ,signalé l'absence inquiètante,d'autant plus inquiètante je le répéte qu'il faisait un froid sibérien à l'époque et je reçus de ma Directrice cette bonne parole " mais vous savez, un jour on la retrouvera morte de froid ,dans la rue... ( sic ) " - j'ai su par la suite qu'elle avait fait une crise et qu'il avait fallu l'interner-jamais je n'ai oublié la phrase glacée de la Directrice,aucune compassion ne passait dans sa voix - jamais je n'ai oublié cette si mignonne petite mémée dont les yeux bleus lavande faisaient comme deux lacs de lumière dans un visage ridé comme une vieille pomme.
Tu n'es pas oubliée Mamie H.... ps: les images seraient retirées sur demande ici ,en com - Merci .